18 février 2024

Se faire violence au réveil, mon récit mouillé des Smokies

Depuis le début du projet, la traversée des Great Smoky Mountains avait été identifiée comme une section que je ferais avec MS. C’est après tout une des highlights de l’AT. De plus, backpacker les plus belles sections avec elle, ça fait partie du deal de cette aventure à deux… même si ça me ralentit.

Malheureusement, quelques jours avant le début de cette section, il a fallu prendre une décision difficile. Le bulletin météo n’était pas favorable avec 4 jours de pluie sur les 6 qu’allaient nous prendre cette section.

La pluie, ce n’est VRAIMENT pas le truc de M-S. Randonner sous la pluie, ça la rend misérable. Alors, elle a décidé de pas venir pour cette partie.

Honnêtement, c’est une décision qui m’a apporté du soulagement, car pour une raison que je ne m’explique pas, quand MS randonne avec moi, je me sens responsable de son expérience. Comment lui procurer une belle expérience sous la pluie? Je n’ai pas encore trouvé la réponse.

Malgré tout, on a réussi à trouver un compromis créatif. Elle ferait une nuit sur la trail. Je la retrouverais dans 3 jours. Ainsi je pourrais compléter les Smokies en 4 jours.

Elle est donc partie de Newfound Gap, direction sud sur l’Appalachian Trail pour me retrouver au Double Spring Shelter. Sur cette section, se trouve Clingmans Dome (2025 m), le point le plus haut de l’AT et accessible en chaise roulante par-dessus le marché! Disons qu’on ne s’attend pas à trouver ce type d’architecture semi futuriste sur la trail. Ça surprend un peu. Heureusement que la route pour s’y rendre est fermée l’hiver. On évite donc de croiser un million de touristes en gougounes.

Clingsman Dome

Pousser la machine pour arriver à temps

Moi, de mon côté, j’ai dû accélérer le pas. J’avais regardé les cartes, et je me disais que ça allait être vallonné, mais gérable. Sauf que sur le terrain, c’était une autre histoire : des montées et des descentes abruptes sur du terrain difficile. Entre Fontana Dam et le Double Spring Shelter, cette partie du sentier était sauvage et exigeante, contrairement aux sections suivantes, bien entretenues, avec des pentes plus douces.

J’ai dû marcher de nuit, à la lumière de ma lampe frontale, afin de rejoindre MS à temps. Ce soir-là, je suis arrivé à Mollie’s Ridge shelter vers 9 heures du soir, crevé mais content.

J’aime bien ce genre de défi pousser mes limites, surtout quand ça me permet d’éviter de devoir m’inquiéter pour M-S sous la pluie. Marcher sous les étoiles, c’est quelque chose que j’adore. C’est calme, c’est beau, et ça me fait sentir libre.

Plus on montait, plus on trouvait de la neige et de la glace. Les crampons étaient indispensables.

Quand M-S m’a rejoint au shelter, c’était super. On a passé du bon temps ensemble, malgré la visite nocturne d’une souris un peu trop curieuse. En passant, dans les shelters, les souris peuvent être vraiment agressives. Une nuit, j’en ai eu plusieurs qui m’ont passé sur le corps. Elles feront assurément un festin de toute nourriture, vidange ou reste qui n’est pas suspendu dehors.

Bon, après cette petite parenthèse sur nos amis les rongeurs, revenons à notre aventure.

Le lendemain, on est redescendus ensemble jusqu’à Newfound Gap et j’ai passé la nuit dans la van.

La van, cet hostel de luxe et les défis matinaux sur la trail

Passer la nuit dans la van, c’est un peu comme aller dans un hostel, mais en mieux sous certains aspects. Bon, dans la van, la douche n’est jamais garantie (ça dépend de plusieurs facteurs et je n’élaborerai pas là-dessus maintenant), mais dormir dans son lit collé sur sa blonde, ça n’a pas de prix. C’est toujours difficile de reprendre la trail le lendemain.

Mais c’est aussi difficile de reprendre la trail quand je dors dans les shelters. Il y fait tellement froid que sortir de mon sleeping bag le matin est une épreuve douloureuse.

Par contre, ce qui m’aide à rester au chaud dans les shelters, c’est la bâche que je mets sous mon matelas. Je dors aussi dans un bivouac, ce qui bloque une partie des courants d’airs. De plus, certains shelters sont équipés de bâches qui font office de quatrième mur. Ça fait une grosse différence au niveau de la chaleur.

N’empêche, je dois me faire violence pour me lever le matin. J’essaie de rassembler mon courage, d’enfiler mes chaussettes mouillées (pas si mal), mes chaussures mouillées (pire, mais tolérable) et finalement sortir chercher la nourriture suspendue à l’extérieur.

Dans ces moments, j’envie ceux qui commencent l’AT en mars. Cependant, afin de réussir un Calendar Year Triple Crown, c’est un luxe que je ne pouvais me permettre. Heureusement, une fois que je me mets en marche, le lever brutal est déjà oublié.

Finalement, pendant cette traversée des Smokies, la météo a été beaucoup moins pire que prévue. Nuages, brouillard, mais peu de pluie pendant le jour. Par contre, le sentier ressemblait par moments à un ruisseau. Comme je ne randonne pas avec des bottes de marche, mais plutôt avec des chaussures de trail running, Altra Lone Peak, elles ne sont pas imperméables. Il faut juste accepter d’avoir les pieds mouillés. Une fois que ce fut fait, j’ai retrouvé la joie que j’avais à 4 ans lorsque je sautais dans les trous d’eau.

J’ai même fait un détour d’un mile pour aller à la fire tower du mont Cammerer. J’ai trouvé la vue spectaculaire avec les nuages accrochés aux montagnes. C’est vraiment drôle parce que MS l’a faite en day hike quelques jours plus tard lorsque le soleil est revenu et elle a été déçue. Je pense que le spectacle des nuages flottant au-dessus des montagnes et des vallées y était pour beaucoup dans mon appréciation du paysage.

En fin de compte, ma traversée des Smokies s’est avérée être bien plus qu’une série de kilomètres parcourus sous un ciel changeant. Les pieds mouillés et les nuits froides, ça fait partie de l’aventure. Le thru-hiking et plus particulièrement quand tu vises un Calendar Year Triple Crown, tu dois avancer beau temps mauvais temps. La résilience est clé.